L’affacturage constitue un mécanisme de financement court terme permettant aux entreprises d’optimiser leur trésorerie en cédant leurs créances commerciales à un factor. Face aux risques inhérents à cette pratique, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) exerce une surveillance rigoureuse sur les sociétés d’affacturage. Cette supervision s’inscrit dans le cadre réglementaire français et européen visant à garantir la stabilité du système financier. Les factors, en tant qu’établissements de crédit ou sociétés de financement, sont soumis à des exigences strictes concernant leurs fonds propres, leur gestion des risques et leurs pratiques commerciales. Dans un contexte d’innovation constante et d’évolution des pratiques d’affacturage, l’analyse des mécanismes de contrôle mis en œuvre par l’ACPR permet de comprendre les défis actuels et futurs de ce secteur en pleine mutation.
Fondements juridiques et cadre réglementaire de l’affacturage en France
L’affacturage, ou factoring, se définit juridiquement comme une opération de cession de créances professionnelles, encadrée par la loi Dailly du 2 janvier 1981, codifiée aux articles L.313-23 à L.313-35 du Code monétaire et financier. Cette technique de mobilisation de créances permet aux entreprises de transférer leurs créances clients à un tiers financier, le factor, qui en assure le recouvrement et peut avancer le montant des créances avant leur échéance.
Sur le plan réglementaire, l’activité d’affacturage est considérée comme une opération de crédit selon l’article L.313-1 du Code monétaire et financier. Cette qualification entraîne des conséquences majeures puisqu’elle réserve l’exercice de cette activité aux établissements habilités à effectuer des opérations de banque, à savoir les établissements de crédit et les sociétés de financement spécifiquement agréés.
La réforme bancaire issue de l’ordonnance du 27 juin 2013 a renforcé ce cadre en créant le statut de société de financement, permettant à des entités non bancaires d’exercer certaines activités de crédit, dont l’affacturage, sous conditions d’agrément. Cette évolution a ouvert le marché tout en maintenant un niveau élevé de supervision.
Le monopole bancaire et ses exceptions
Le principe du monopole bancaire, inscrit à l’article L.511-5 du Code monétaire et financier, réserve l’activité d’affacturage aux établissements dûment autorisés. Toutefois, certaines exceptions existent, notamment pour les opérations de cession de créances entre sociétés d’un même groupe (affacturage intragroupe) ou pour certaines formes d’affacturage sans financement.
La distinction entre affacturage et simple recouvrement de créances est fondamentale sur le plan juridique. Si le recouvrement pour compte de tiers peut être exercé sans agrément spécifique, l’ajout d’une composante de financement fait basculer l’activité dans le champ du monopole bancaire et donc sous le contrôle de l’ACPR.
Au niveau européen, la réglementation s’est progressivement harmonisée avec la directive 2013/36/UE (CRD IV) et le règlement (UE) n°575/2013 (CRR) qui définissent les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et entreprises d’investissement, incluant les factors. Ces textes ont été transposés en droit français et complétés par des dispositions spécifiques à l’affacturage.
- Textes fondateurs : Loi Dailly (1981), Code monétaire et financier
- Qualification juridique : Opération de crédit soumise au monopole bancaire
- Opérateurs autorisés : Établissements de crédit et sociétés de financement agréés
- Cadre prudentiel : Réglementation nationale et européenne (CRD IV, CRR)
Cette architecture juridique complexe forme le socle sur lequel s’appuie l’ACPR pour exercer sa mission de supervision. La conformité à ces dispositions constitue le premier niveau d’exigence pour les sociétés d’affacturage, avant même d’aborder les aspects plus spécifiques du contrôle prudentiel.
L’ACPR : missions et pouvoirs dans la supervision des activités d’affacturage
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), instituée par l’ordonnance n°2010-76 du 21 janvier 2010 et codifiée aux articles L.612-1 et suivants du Code monétaire et financier, constitue l’autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France chargée de la supervision des secteurs de la banque et de l’assurance. Sa mission fondamentale vis-à-vis des sociétés d’affacturage s’articule autour de trois axes principaux : la préservation de la stabilité du système financier, la protection des clients et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Dans l’exercice de ses fonctions de supervision des factors, l’ACPR dispose de pouvoirs étendus lui permettant d’intervenir à différents niveaux du cycle de vie des établissements. Ces prérogatives commencent dès la phase d’agrément, se poursuivent par un contrôle permanent et peuvent déboucher sur des sanctions en cas de manquements constatés.
Procédure d’agrément et contrôle à l’entrée
Toute entité souhaitant exercer une activité d’affacturage doit obtenir un agrément préalable délivré par l’ACPR ou, depuis la mise en place du Mécanisme de Supervision Unique (MSU), par la Banque Centrale Européenne sur proposition de l’ACPR pour les établissements significatifs. Cette procédure d’agrément constitue un filtre initial rigoureux qui évalue notamment:
- La qualité et l’honorabilité des dirigeants et actionnaires
- L’adéquation des moyens financiers, techniques et humains
- La pertinence du plan d’affaires et de la stratégie
- La robustesse des dispositifs de contrôle interne et de gestion des risques
Le Collège de l’ACPR, dans sa formation sectorielle bancaire, statue sur les demandes d’agrément des sociétés de financement spécialisées dans l’affacturage. Pour les établissements de crédit exerçant cette activité, la décision finale revient à la BCE depuis novembre 2014.
Pouvoirs de contrôle continu et d’intervention
Une fois l’agrément accordé, l’ACPR exerce une surveillance permanente des sociétés d’affacturage à travers:
Le contrôle sur pièces, qui repose sur l’analyse des reportings réglementaires périodiques transmis par les établissements. Ces documents incluent des états financiers, des ratios prudentiels et des informations sur la qualité des portefeuilles de créances. Le Secrétariat général de l’ACPR dispose d’équipes spécialisées qui scrutent ces données pour détecter d’éventuelles anomalies ou dégradations.
Le contrôle sur place, qui prend la forme de missions d’inspection menées par des équipes de l’ACPR au sein même des établissements. Ces missions, programmées ou inopinées, permettent de vérifier concrètement le respect des obligations réglementaires, la fiabilité des processus et la qualité de la gestion des risques. Pour les factors d’envergure européenne, ces contrôles peuvent être coordonnés avec d’autres autorités nationales sous l’égide de la BCE.
En cas d’identification de faiblesses ou de manquements, l’ACPR dispose d’une gradation de mesures d’intervention allant de la simple recommandation jusqu’à des mesures coercitives:
Elle peut adresser des mises en garde ou des mises en demeure, imposer des programmes de rétablissement ou des plans de financement, placer l’établissement sous administration provisoire, limiter ou interdire temporairement certaines activités, ou encore suspendre des dirigeants.
Dans les situations les plus graves, la Commission des sanctions de l’ACPR peut prononcer des sanctions disciplinaires (blâme, interdiction d’exercer) et pécuniaires pouvant atteindre des montants significatifs, proportionnés à la gravité des manquements et à la situation financière de l’établissement.
Ces pouvoirs étendus font de l’ACPR un acteur central dans la régulation du marché de l’affacturage, capable d’influer directement sur les pratiques des opérateurs et de garantir le respect des normes prudentielles et de protection des clients.
Exigences prudentielles spécifiques aux sociétés d’affacturage
Les sociétés d’affacturage sont soumises à un ensemble d’exigences prudentielles visant à garantir leur solidité financière et leur capacité à faire face aux risques inhérents à leur activité. Ces exigences, contrôlées par l’ACPR, varient selon le statut juridique de l’établissement (établissement de crédit ou société de financement) mais partagent des fondamentaux communs.
Exigences en matière de fonds propres et ratios de solvabilité
Le premier pilier des exigences prudentielles concerne les fonds propres, véritable rempart contre les pertes potentielles. Les factors doivent respecter plusieurs seuils:
Le capital minimum requis s’élève à 5 millions d’euros pour les établissements de crédit et peut être réduit à 2,2 millions d’euros pour les sociétés de financement spécialisées dans l’affacturage. Ce socle constitue une condition sine qua non pour l’obtention et le maintien de l’agrément.
Le ratio de solvabilité, défini par le règlement CRR, impose aux factors de détenir des fonds propres représentant au minimum 8% de leurs actifs pondérés par les risques. Pour les sociétés d’affacturage ayant le statut d’établissement de crédit, ce ratio peut être complété par des coussins de fonds propres additionnels (coussin de conservation, coussin contracyclique, etc.).
La spécificité de l’affacturage réside dans les modalités de calcul des actifs pondérés. Les créances commerciales acquises bénéficient généralement d’une pondération favorable (20% à 100% selon la qualité du débiteur) lorsqu’elles satisfont aux critères définis par le règlement CRR. Toutefois, l’ACPR porte une attention particulière à l’évaluation du risque de dilution (risques d’avoirs, de litiges commerciaux) qui doit être correctement provisionnée.
Gestion de la liquidité et du risque de concentration
Au-delà de la solvabilité, les sociétés d’affacturage doivent démontrer leur capacité à gérer efficacement leur liquidité et les concentrations de risques:
Le ratio de liquidité à court terme (LCR – Liquidity Coverage Ratio) impose aux factors ayant le statut d’établissement de crédit de disposer d’actifs liquides de haute qualité suffisants pour couvrir leurs sorties nettes de trésorerie sur 30 jours dans un scénario de stress. Pour les sociétés de financement, un régime national spécifique a été instauré avec le coefficient de liquidité.
Les grands risques font l’objet d’une surveillance particulière. L’exposition sur un même client ou groupe de clients liés est limitée à 25% des fonds propres éligibles. Cette règle revêt une importance capitale dans l’affacturage où la concentration sur quelques débiteurs majeurs peut constituer un risque systémique pour le factor. L’ACPR vérifie que les systèmes d’information des établissements permettent un suivi efficace de ces expositions.
La gestion du risque de concentration sectorielle fait également l’objet d’une attention soutenue. Les factors doivent mettre en place des limites internes et des mécanismes de diversification de leur portefeuille pour éviter une surexposition à un secteur économique particulier.
Dispositifs de contrôle interne et de gestion des risques
L’ACPR accorde une importance primordiale à la qualité des dispositifs de contrôle interne et de gestion des risques des sociétés d’affacturage. Conformément à l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne, ces établissements doivent mettre en place:
- Un dispositif de contrôle permanent, avec des contrôles de premier et second niveau
- Une fonction de contrôle périodique (audit interne) indépendante
- Une cartographie exhaustive des risques, régulièrement mise à jour
- Des procédures d’évaluation et de sélection des créances acquises
- Des systèmes de notation des cédants et des débiteurs
La gouvernance des risques fait l’objet d’une attention particulière. Les sociétés d’affacturage doivent disposer d’un comité des risques (pour les plus importantes) et de fonctions de contrôle des risques clairement identifiées, avec des responsables possédant l’expertise et l’indépendance nécessaires.
L’ACPR évalue la robustesse de ces dispositifs lors de ses contrôles sur pièces et sur place. Elle vérifie notamment la pertinence des outils d’évaluation du risque de crédit, la qualité du suivi des impayés et des contentieux, ainsi que l’efficacité des procédures de recouvrement. La capacité de l’établissement à anticiper la dégradation de la qualité d’un portefeuille et à prendre des mesures correctives rapides constitue un critère d’appréciation majeur.
Protection de la clientèle et lutte contre le blanchiment sous surveillance de l’ACPR
Au-delà des aspects purement prudentiels, l’ACPR exerce une vigilance accrue sur deux dimensions complémentaires de l’activité des sociétés d’affacturage : la protection de la clientèle et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Ces deux axes de contrôle revêtent une importance croissante dans la supervision des factors.
Obligations en matière de protection de la clientèle
Les sociétés d’affacturage entretiennent des relations commerciales avec deux types de clients : les entreprises cédantes (adhérentes) et, indirectement, les débiteurs cédés. L’ACPR s’assure que ces relations respectent les dispositions réglementaires en vigueur :
L’information précontractuelle constitue un point d’attention majeur. Les factors doivent fournir une documentation claire et exhaustive sur leurs services, leurs tarifs et les conditions contractuelles. L’ACPR vérifie que les établissements formalisent adéquatement leurs offres et que les clauses contractuelles ne présentent pas de caractère abusif, notamment concernant les commissions, les retenues de garantie ou les conditions de résiliation.
La transparence tarifaire fait l’objet d’un examen particulier. Les sociétés d’affacturage doivent détailler l’ensemble des frais applicables (commission d’affacturage, commission de financement, frais de dossier, etc.) et respecter les règles spécifiques en matière de taux effectif global (TEG) pour la composante crédit de leur prestation.
Le traitement des réclamations doit suivre une procédure formalisée et efficace. Les factors doivent mettre en place un dispositif permettant d’identifier, d’enregistrer et de traiter les réclamations des clients dans des délais raisonnables. L’ACPR vérifie l’existence de ce dispositif et son efficacité opérationnelle.
La Direction du contrôle des pratiques commerciales de l’ACPR mène régulièrement des contrôles thématiques sur ces aspects. Elle peut également intervenir suite à des signalements de clients mécontents ou après identification de pratiques potentiellement problématiques lors de l’analyse des rapports sur le contrôle interne transmis par les établissements.
Dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
L’affacturage, en tant qu’activité financière impliquant des flux monétaires significatifs, présente des risques spécifiques en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. L’ACPR exerce un contrôle rigoureux sur les dispositifs LCB-FT mis en place par les factors :
La classification des risques constitue la pierre angulaire du dispositif. Les sociétés d’affacturage doivent établir une cartographie des risques LCB-FT tenant compte de la nature de leur activité, de leur clientèle, des pays concernés et des canaux de distribution utilisés. Cette classification doit être régulièrement actualisée et servir de base à l’application de mesures de vigilance adaptées.
Les obligations de vigilance imposent aux factors d’identifier et de vérifier l’identité de leurs clients (cédants) avant d’entrer en relation d’affaires. Cette vigilance s’étend aux bénéficiaires effectifs des structures clientes et, dans une certaine mesure, aux débiteurs cédés. L’ACPR vérifie que les procédures d’entrée en relation incluent la collecte et la vérification des documents d’identification requis.
La surveillance des opérations revêt une importance particulière dans l’affacturage. Les factors doivent mettre en place des outils permettant de détecter les opérations atypiques ou suspectes, telles que :
- Des factures présentant des caractéristiques inhabituelles (montants anormalement élevés, séquences de numérotation irrégulières)
- Des créances sur des débiteurs situés dans des pays à risque
- Des remises de factures sans lien apparent avec l’activité déclarée du cédant
- Des paiements provenant de tiers non identifiés comme débiteurs
Les déclarations de soupçon à TRACFIN constituent l’aboutissement du dispositif lorsque des opérations suspectes sont identifiées. L’ACPR contrôle la qualité et la pertinence de ces déclarations, ainsi que le respect des délais réglementaires.
La formation du personnel aux problématiques LCB-FT fait également l’objet d’une attention particulière. Les collaborateurs des sociétés d’affacturage, particulièrement ceux en contact avec la clientèle ou impliqués dans le traitement des opérations, doivent recevoir une formation régulière et adaptée à leurs fonctions.
L’ACPR mène des contrôles approfondis sur ces dispositifs, à la fois dans le cadre du contrôle permanent (analyse des questionnaires LCB-FT annuels) et lors de missions sur place dédiées. Les manquements dans ce domaine peuvent donner lieu à des sanctions particulièrement sévères, comme en témoignent plusieurs décisions récentes de la Commission des sanctions.
Évolution des pratiques de contrôle face aux mutations du marché de l’affacturage
Le marché de l’affacturage connaît des transformations profondes sous l’effet combiné des innovations technologiques, de l’émergence de nouveaux acteurs et des évolutions réglementaires. Face à ces mutations, l’ACPR adapte continuellement ses méthodes et ses priorités de contrôle pour maintenir une supervision efficace du secteur.
Supervision des innovations technologiques et nouveaux modèles d’affaires
La digitalisation des processus d’affacturage constitue l’une des évolutions majeures du secteur. Les plateformes en ligne permettant aux entreprises de céder leurs créances de manière entièrement dématérialisée se multiplient. L’ACPR a dû développer de nouvelles compétences pour évaluer la robustesse de ces solutions technologiques, notamment en matière de:
- Sécurité des systèmes d’information et protection des données
- Fiabilité des processus automatisés de scoring et d’acceptation des créances
- Traçabilité des opérations et piste d’audit
- Continuité d’activité en cas d’incident technique
La création du Pôle Fintech-Innovation au sein de l’ACPR en 2016 témoigne de cette adaptation. Cette structure spécialisée dialogue avec les innovateurs du secteur financier, y compris dans l’affacturage, pour comprendre les nouveaux modèles et anticiper les risques émergents.
L’affacturage inversé (ou reverse factoring) a connu un développement significatif ces dernières années. Dans ce modèle, c’est le donneur d’ordre (débiteur) qui initie le programme pour permettre à ses fournisseurs de bénéficier d’un paiement anticipé. L’ACPR porte une attention particulière à ces montages qui peuvent masquer des risques de crédit importants et créer des effets de levier non apparents dans les bilans des entreprises, comme l’a illustré l’affaire Carillion au Royaume-Uni.
Les marketplaces d’affacturage, qui mettent en relation des entreprises cherchant à céder leurs créances avec des investisseurs prêts à les financer, représentent un autre défi pour le régulateur. L’ACPR veille à ce que ces plateformes respectent le monopole bancaire lorsqu’elles proposent des services d’affacturage et non simplement d’intermédiation.
Coordination européenne et internationale de la supervision
L’internationalisation croissante des activités d’affacturage nécessite une coordination renforcée entre autorités de supervision. L’ACPR participe activement à plusieurs instances de coopération:
Dans le cadre du Mécanisme de Supervision Unique (MSU), l’ACPR collabore étroitement avec la BCE pour la supervision des grands groupes bancaires européens proposant des services d’affacturage. Cette coopération se traduit par des équipes de surveillance prudentielle conjointes (Joint Supervisory Teams) et des méthodologies harmonisées d’évaluation des risques.
L’Autorité Bancaire Européenne (ABE) constitue un forum essentiel pour l’élaboration de standards techniques et d’orientations communes concernant l’application des règles prudentielles aux activités d’affacturage. L’ACPR contribue activement aux travaux de l’ABE sur des sujets comme le traitement prudentiel des expositions liées à l’affacturage ou les exigences en matière de reporting.
Au niveau international, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire influence indirectement la supervision de l’affacturage à travers ses recommandations sur les normes prudentielles. L’ACPR participe aux discussions concernant l’évolution de ces standards et leur application aux activités spécialisées comme l’affacturage.
Perspectives d’évolution du contrôle face aux défis futurs
Plusieurs tendances émergentes laissent entrevoir les orientations futures du contrôle exercé par l’ACPR sur les sociétés d’affacturage:
L’intégration croissante des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans l’évaluation des risques constitue une évolution notable. L’ACPR commence à prendre en compte la manière dont les factors intègrent les risques climatiques et de transition énergétique dans leur politique de sélection des créances et des secteurs financés.
Le développement de l’intelligence artificielle et des algorithmes prédictifs pour l’évaluation du risque de crédit fait l’objet d’une attention particulière. L’ACPR s’intéresse à la transparence et à l’auditabilité de ces systèmes, ainsi qu’aux biais potentiels qu’ils pourraient introduire dans les décisions de financement.
La cybersécurité devient un enjeu majeur dans un contexte de digitalisation accélérée. Les tests de résistance aux cyberattaques et l’évaluation des plans de continuité d’activité prennent une place croissante dans les contrôles effectués par l’ACPR.
L’émergence de solutions d’affacturage basées sur la blockchain et les contrats intelligents (smart contracts) constitue un défi réglementaire. Ces technologies promettent une automatisation et une sécurisation accrues des transactions, mais soulèvent des questions juridiques et prudentielles nouvelles que l’ACPR commence à explorer.
La vigilance accrue sur les risques systémiques liés à l’interconnexion des acteurs financiers amène l’ACPR à porter une attention particulière aux grands factors qui pourraient représenter un risque pour la stabilité du système financier en cas de défaillance.
Face à ces défis, l’ACPR fait évoluer ses méthodes de contrôle en développant des approches basées sur les données (data-driven supervision) et en renforçant ses capacités d’analyse prédictive pour identifier précocement les facteurs de risque dans le secteur de l’affacturage.
Vers une régulation adaptative de l’affacturage : équilibre entre innovation et maîtrise des risques
L’avenir de la régulation de l’affacturage se dessine à la croisée de deux impératifs parfois contradictoires : favoriser l’innovation qui améliore l’accès au financement pour les entreprises, tout en garantissant une maîtrise adéquate des risques inhérents à cette activité. L’ACPR se trouve au cœur de cette recherche d’équilibre, devant adopter une approche que l’on pourrait qualifier d’« adaptative » face aux mutations rapides du secteur.
Vers une approche proportionnée de la régulation
Le principe de proportionnalité s’impose progressivement comme un élément structurant de la supervision des sociétés d’affacturage. Cette approche consiste à adapter l’intensité et les modalités du contrôle à la taille, au profil de risque et à la complexité de chaque établissement. Pour l’ACPR, cela se traduit par:
Une catégorisation des établissements selon leur importance systémique, leur volume d’activité et leur profil de risque. Cette segmentation permet d’allouer les ressources de supervision de manière optimale, en concentrant les efforts sur les factors présentant les enjeux les plus significatifs.
Des exigences modulées en matière de reporting et de contrôle interne. Les petites structures spécialisées peuvent bénéficier d’allègements dans certains domaines, tandis que les grands acteurs font l’objet d’exigences renforcées, notamment concernant la gouvernance et les dispositifs de gestion des risques.
Une approche basée sur les risques (risk-based approach) qui concentre les contrôles sur les zones de vulnérabilité identifiées pour chaque établissement, plutôt que d’appliquer un programme uniforme. Cette méthode permet d’optimiser l’efficacité de la supervision tout en réduisant la charge réglementaire pour les acteurs les mieux gérés.
Régulation et accompagnement de l’innovation
L’ACPR a progressivement fait évoluer sa posture vis-à-vis de l’innovation, passant d’une approche purement réglementaire à une démarche plus proactive d’accompagnement et d’anticipation:
Le Pôle Fintech-Innovation joue un rôle de facilitateur en clarifiant les attentes réglementaires pour les innovateurs du secteur de l’affacturage. Cette structure propose un guichet unique où les porteurs de projets peuvent présenter leurs solutions et recevoir des orientations sur le cadre applicable.
Les expérimentations contrôlées, sur le modèle des « regulatory sandboxes » développés dans d’autres juridictions, permettent de tester des solutions innovantes d’affacturage dans un environnement encadré. Bien que la France n’ait pas formellement adopté ce dispositif, l’ACPR met en œuvre des approches similaires à travers son Forum Fintech et ses exercices de simulation.
L’intelligence artificielle et l’analyse de données massives (big data) transforment l’affacturage en permettant une évaluation plus fine des risques et une automatisation des processus. L’ACPR développe une expertise spécifique sur ces technologies pour pouvoir en évaluer les bénéfices et les risques potentiels.
Défis futurs et évolutions attendues
Plusieurs défis majeurs se profilent à l’horizon pour la régulation de l’affacturage, nécessitant une adaptation continue des méthodes de supervision:
La fragmentation du marché avec l’émergence d’acteurs spécialisés sur des niches (micro-affacturage, affacturage sectoriel, etc.) complexifie la tâche du superviseur. L’ACPR devra développer une connaissance fine de ces segments pour adapter sa supervision.
L’internationalisation des opérations d’affacturage, notamment via des plateformes transfrontalières, pose la question de la coopération entre autorités nationales. Des mécanismes de supervision coordonnée devront être renforcés pour éviter les arbitrages réglementaires et assurer une surveillance efficace.
La finance embarquée (embedded finance), qui intègre des solutions d’affacturage directement dans les logiciels de gestion ou les places de marché B2B, brouille les frontières traditionnelles de l’activité financière. L’ACPR devra clarifier le cadre applicable à ces nouveaux modèles hybrides.
La finance décentralisée (DeFi) pourrait à terme transformer radicalement l’affacturage en permettant des cessions de créances sur des protocoles blockchain sans intermédiaire central. Cette évolution soulève des questions fondamentales sur l’application du cadre réglementaire existant.
Face à ces défis, l’ACPR semble s’orienter vers une régulation plus agile et technologiquement informée. Le développement de la RegTech (technologies au service de la conformité réglementaire) et de la SupTech (technologies au service de la supervision) constitue un axe stratégique pour moderniser les outils de contrôle.
En définitive, la régulation future de l’affacturage s’articulera probablement autour d’un principe fondamental : maintenir une protection adéquate des acteurs économiques tout en permettant l’émergence de solutions innovantes qui répondent aux besoins de financement des entreprises. Dans cette perspective, l’ACPR apparaît comme un acteur clé dont la capacité d’adaptation conditionnera en partie le développement harmonieux de ce secteur en pleine mutation.
